Religion au travail : « Dans beaucoup d’entreprises, il y a une sursensibilité à la question » 2018-01-04T14:13:05+01:00

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Religion au travail: « Dans beaucoup d’entreprises, il y a une sursensibilité à la question »

Paul Conge | 28.09.2017

C’est une très légère oscillation. En 2017, 65% des salariés déclarent observer des comportements religieux sur leur lieu de travail, et dans 7,5% des cas, il s’agit de « cas conflictuels ». Un chiffre qui s’élevait à 6,7% en 2016. Tiré de la 5e étude annuelle de l’institut Randstad et l’Observatoire du fait religieux en entreprise (Ofre), ce résultat ne surprend pas Lucy de Noblet, directrice du cabinet InAgora, spécialisé dans la gestion du fait religieux en entreprise. Elle réagit à l’étude pour RMC.fr 

Lucy de Noblet est directrice du cabinet InAgora. A ses yeux, la légère hausse des revendications musulmanes en entreprise (temps de prière, congés pendant le ramadan) réveille les revendications d’autres religions.

« Cette légère hausse ne surprend pas énormément dans la mesure où le rapport de Randstad et de l’Ofre constate plus de faits religieux dans l’entreprise. Le contexte se prête à une forte sensibilité sur le sujet. On remarque plus facilement que tel ou tel porte une croix, une étoile, un signe religieux, quand on ne l’aurait pas forcément remarqué avant.

« Une plus grande agressivité vis-à-vis de l’affichage de ces pratiques »

Certains souhaitent peut-être montrer davantage leur identité. Dans les faits, ce sont surtout les pratiques musulmanes. Cela peut renforcer le souhait d’autres communautés religieuses d’afficher leur appartenance à une communauté religieuse.

Dans beaucoup d’entreprises, il y a une sursensibilité à la question. Cela vient parfois d’une présomption de neutralité religieuse dans l’entreprise, en partant du principe que cette présomption, qui existe pour le service public, existe aussi telle quellle dans le secteur privé.

On estime que la personne n’a pas le droit de parler religion, de mettre un signe religieux. Il y a peut-être une plus grande agressivité vis-à-vis de l’affichage de ces pratiques. Beaucoup de personnes pratiquantes, musulmanes, sont peinées et troublées que leur religion soit associée à des pratiques violentes, ce qui crée des malaises.

« Le voile peut, dans certains cas, être interdit »

Demande de prière, port de signes visibles, discussions sur le sujet… Les formes que ça prend sont diverses. Le voile peut être interdit pour des questions d’hygiène ou de sécurité, dans des laboratoires ou des usines, pour faciliter le port de vêtements spéciaux.

Un domaine plus délicat, c’est celui du contact avec la clientèle. Dans une boutique de lingerie ou de vêtements féminins, le voile peut ne pas coller avec l’image que vous souhaitez donner. Carrefour avait licencié des caissières portant le foulard islamique. Le licenciement a été déclaré sans cause réelle ni sérieuse. L’entreprise a dû payer une amende.

« L’entreprise peut poser des restrictions »

Culturellement, la prière est très différente selon qu’elle soit une pratique musulmane ou d’autres religions. En fonction des courants, elle doit être visible, se manifester extérieurement. Or, dans la culture traditionnelle française, la prière est vue comme très intime. Mais parfois, le « signe extérieur » peut être un simple clignement d’yeux devant son ordinateur.

L’entreprise peut poser un certain nombre de restrictions à l’expression religieuse. Le prosélytisme est interdit, elle n’a aucune obligation de fournir une alimentation halal ou casher, ni un lieu de prière. Cela peut être problématique dans des entreprises en open-space ou des usines.

« Des demandes croissantes de personnes juives »

Les cas liés à la religion juive et chrétienne restent minoritaires. Mais le fait qu’il y ait des revendications musulmanes réveille les autres pratiquants. Plusieurs clients m’ont fait part de demandes croissantes de personnes juives ne voulant pas travailler vendredi après-midi pour faire chabbat.

Quand il y a un problème de serrage de main du sexe opposé, cela se gère facilement. C’est plus difficile quand c’est un gros groupe de plusieurs personnes. Et ça crée des tensions. Si dès le matin, vous refusez de dire bonjour à une femme, ou à un homme, ça crée une ambiance inconfortable.

Certaines femmes, avec un certain courage, insistent, au point que ça devient presque un acte militant. Il peut y avoir des avertissements, des sanctions, des rappels au règles. Ce type de questions religieuses, peuvent être traitées simplement dans le cadre des problématiques liées au sexisme et à la discrimination, et donc par une prise en compte du contrat de travail ou du règlement. »