Les salariées musulmanes veulent pouvoir pratiquer au travail 2017-12-14T14:55:29+01:00

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Les salariées musulmanes veulent pouvoir pratiquer au travail

Anne-Bénédicte Hoffner | 28.01.2016

Lors d’une table ronde organisée mardi 26 janvier à l’Institut catholique de Paris, l’Institut de sciences et de théologie des religions présentait ses diverses formations adressées aux salariés. Une enquête menée auprès de musulmanes pratiquantes montre à quel point elles tiennent à leurs rites, y compris dans le cadre de l’entreprise.

« Nous passons le plus clair de notre temps au travail. Je ne peux pas mettre ma religion de côté durant tout ce laps de temps », explique Imen, 26 ans. Lara parle de sa « souffrance » de ne pas pouvoir porter le voile dans son entreprise, Sandra de « stress » et de « mal-être ». « Si je me sens bien, je suis plus efficace, c’est logique », résume de son côté Rachida, 26 ans.

Réalisée par le cabinet de conseil et de formation en gestion du fait religieux, Inagora, une enquête sur « Les salariées musulmanes pratiquantes et la religion au travail » a été menée auprès de 30 salariées musulmanes pratiquantes – interrogées en entretien semi-directif – et de 250 autres au moyen d’un questionnaire.

Alors que la plupart des études, jusqu’ici, adoptaient le point de vue des managers, Inagora a résolument choisi, cette fois, de « se mettre à l’écoute des salariées ». Cette enquête était présentée mardi 26 janvier à l’Institut catholique de Paris, à l’occasion d’une table ronde organisée par l’Institut de science et de théologie des religions (ISTR) sur « les réponses concrètes aux revendications religieuses ».

Des réticences à serrer la main d’un homme

Pour 60 % de ces femmes, à 89 % nées en France et à 85 % de parents musulmans, pouvoir pratiquer sa religion au travail est « très important ». Plus que le jeûne, les interdits alimentaires ou les congés pour l’Aïd (discrets ou accordés par les managers), la prière rituelle et le port du foulard figurent parmi les demandes prioritaires. Quelques femmes évoquent aussi leurs réticences à serrer la main d’un homme. Et si certaines « négocient » autour de leur pratique – port d’un turban plutôt que d’un voile – d’autres affirment que celui-ci « fait partie d’elles-mêmes ».

« Jusqu’à l’année dernière, les entreprises considéraient encore le fait religieux comme un épiphénomène et n’avaient pas le réflexe de le penser », observe Philippe Humeau, fondateur du cabinet Inagora et ancien élève du MBA « Diversités, dialogue et religions » de l’Institut catholique de Paris. « Les événements tragiques de l’an dernier les forcent à s’y intéresser. Aujourd’hui, nombreuses sont les entreprises qui nous contactent pour comprendre ce qui se passe, quel peut être l’impact chez elles ».

« Regarder ce problème avec pragmatisme »

Les études sociologiques montrent, selon lui, la plus grande « résistance à la sécularisation » des Européens juifs et musulmans. « Les populations croyantes vont augmenter dans les entreprises. Celles-ci doivent regarder ce problème avec pragmatisme, comme faisant partie du paysage », fait-il valoir. Lorsqu’il est sollicité, son cabinet, Inagora, ne propose pas « de solution toute faite » mais tente d’abord de comprendre la culture, le secteur de l’entreprise pour « l’aider à construire sa solution, dans le cadre légal ».

La religion reste « un sujet chaud » en entreprise, reconnaît de son côté Anne-Sophie de Quercize, responsable des formations destinées aux salariées au sein de l’ISTR de Paris, et organisatrice de cette table ronde. Dans ses séminaires de formation, elle entend souvent les participants dire leur crainte « d’ouvrir la boîte de Pandore »…

« À l’ISTR, dans nos séminaires de deux jours consacrés au ‘management des diversités’, nous les aidons à aborder le sujet de manière argumentée, dépassionnée, assure-t-elle. Nous prenons au sérieux le fait religieux, mais nous permettons aux managers de le traiter avec une distance respectueuse ».